L’ascension de l’Apprenti maçon est une série d’étapes méthodiques et réfléchies. Cet itinéraire initiatique, souligné par la réflexion, l’action et le repos, symbolise un cheminement vers une illumination spirituelle. Les marches, représentées par les épreuves et la discipline, sont autant d’occasions de se forger une sagesse profonde. La quête de la lumière, incarnée par cette progression, est au cœur de l’expérience maçonnique, où chaque pas est un acte de transformation personnelle.
Carte mentale d’un itinéraire vers la Lumière
La marche par définition est un « en train », un « allant », une action, une mise en mouvement du corps, dans une direction tendant vers un but, partant d’un point de départ défini, vers une destination souvent inconnue. En l’occurrence, pour notre Apprenti, il s’agit de se poster entre les colonnes et espérer y entrer le plus correctement du monde en ayant au cœur et à l’esprit ses motivations, son rituel en bandoulière, la conscience d’une étape à franchir en quittant le monde profane pour pénétrer une entité sacrée. Pour se faire, il n’est besoin d’autre chose que de recueillement, en soi, pour soi, pour ce que cet apprenti a le souhait d’accomplir à travers ses pas rectilignes, discrets, inaudibles, précis, issus de l’Occident sombrissime, en direction d’un Orient prometteur et radieux, nimbé de Lumière, où qui sait, il se rencontrera lui-même, se découvrira dans une sorte d’intimité iridescente des premiers instants, celui des eaux primordiales, source infinie de Vie. Cette marche est solaire, en ligne droite, elle est cette clarté sans cesse renouvelée qui révèle les êtres et les choses. Cette marche si spécifique n’est autre que les prémices de la démarche de l’initié. Une certaine marche qui se transforme en démarche, voilà un bel exemple de mutation du même être en autre chose de bien plus complexe encore, à la recherche du soi profond.
Je décomposerais cette marche en trois étapes, correspondant à trois phases :
La phase réflexive
La phase réflexive impose un « abandon » du monde profane passant de la récréation au travail, du délassement à la re-création. Avant le premier pas, notre esprit nous rappelle cet instant où nous avons reçu la Lumière et qu’une introspection est capitale, conduisant à une remise en question. Passer de la déstructuration (reformulation de la pensée en mourant aux multiples préjugés et personnification de la marche qui devient à cet instant initiatique, en passant par la restructuration, sa propre réorganisation pour aboutir à la construction de soi). La rigueur de l’esprit se reflète dans le positionnement du corps aussi droit qu’un « I » s’insérant dans un éternel recommencement de cette marche, harmonisant ces trois pas, en les intériorisant si fort qu’ils mutent en « un », par le rapprochement que l’Apprenti va réaliser entre sa dimension humaine et sa recherche spirituelle. Pratiquer les trois pas, coupe l’élan, l’assurance automatique du néophyte dans sa progression uniforme et contraint à chaque fois à de nouveaux efforts et réflexions pour repartir « du bon pied ». Cette réflexion, à chaque arrêt, après chaque pas, n’est autre que prudence et sagesse préalablement requises avant l’action ou la prise de décision. Ce chemin chaotique propose une progression scandée par des « pauses » rectificatrices qui forcent au recentrage en regard du pas précédant afin d’améliorer le pas suivant. Les pas de l’Apprenti sont un hommage à la constance dans l’effort pour surmonter les doutes et les difficultés d’une progression régulière souvent ébranlée par les contradictions et les questionnements tout au long de son chemin personnel vers la Lumière, vers sa propre découverte.
Afin de renforcer le message, cette marche s’initie entre les colonnes. Afin de dompter une probable sensation vertigineuse, l’Apprenti n’aura d’autre choix que d’apprendre à comprendre les « dualités », (que j’estime être d’avantage des « complémentarités »), remettre en cause ses « acquis », car pour envisager la progression il doit parvenir avant tout à se maîtriser, se dominer lui-même.
La phase d’action
La phase d’action, met le corps en tension et le discipline pour initier la marche dans la concrétisation des trois pas, sous l’égide de l’esprit. Sans se le figurer ni l’appréhender, l’Apprenti change d’état et entame sa «transmutation ». Voyons un peu comment s’effectuent ces trois pas, moteur du mouvement, ennemi mortel de la stagnation :
Ils prennent vie à l’entrée en loge, par celui qui demande l’entrée du Temple, entre les colonnes, alors que les travaux sont commencés.
Au R.E.A.A, l’amorce de la marche s’effectue du pied gauche (contrairement au R.F.M, où elle est initiée du pied droit). Les pas d’égale distance sont au ras du sol, ce qui n’est pas sans nous rappeler notre appartenance terrestre. Chaque fois que le pied avance, il rejoint l’autre pied en formant une équerre. En visualisant le deuxième pas de l’Apprenti au Rite Français Moderne, on s’aperçoit que le talon vient se nicher au creux de l’autre pied et qu’il forme une double équerre ressemblant au Tau grec. Ce dernier est une sorte de « béquille », de bâton qui va servir d’appui pour surmonter les épreuves de l’existence. Il est aussi la représentation des attributs divins que sont, la force, la sagesse et l’harmonie ainsi que l’horizon où ciel et terre se rencontrent et l’union de l’objectif et du subjectif. Le Tau est aussi le nom d’un papillon, le bombyx, dont l’élévation gracile est due à sa légèreté. La ligne droite imaginaire consentie à ces pas, s’étire depuis l’Occident ténébreux jusqu’à l’Orient lumineux. Elle fournit à l’Apprenti, la règle de conduite initiale à suivre, il la réactualise en la traçant dans l’espace à chaque fois qu’il l’effectue. Cette ligne est le premier élément dimensionnel intimant la droiture qui ne devra plus jamais quitter l’initié tout au long de sa quête. L’équerre, formée de deux règles permet de vérifier si l’horizontalité de l’être qu’est l’Apprenti forme un angle parfait avec la verticalité de son esprit. Cette ligne, bien qu’horizontale lors de la marche, montre le chemin en suivant le sens donné par le symbole V.I.T.R.I.O.L. Il nous convie à une superbe plongée dans le gouffre de notre intériorité la plus insoupçonnée, et d’un coup de talon, lorsque l’Apprenti en aura touché les profondeurs abyssales, n’aura d’autre instinct de survie que de s’élever vers la connaissance oxygénatrice.
La phase de repos
La phase de repos, est un arrêt momentané du mouvement nécessaire à une plus grande connaissance de soi afin d’envisager la meilleure suite à donner à la gestuelle suivante, tout comme le silence ponctue le rituel avant la prononciation de chaque phrase. Cette alternance de repos est de travail est capitale tant dans notre vie maçonnique qu’au quotidien.
La marche est un carnet de route nous conviant à notre propre rencontre, à réintégrer l’Unité principielle, par la droiture de notre démarche, digne et respectueuse du devoir à accomplir. Marcher droit, avec une force volitive chevillée au cœur, vers celui qui nous éclaire, c’est comprendre et emprunter la vraie ligne droite, parce qu’elle est la première, la moins sinueuse et par conséquent la plus proche manifestation du Principe, pour se rendre à l’Orient et embrasser la véritable dimension collective de la démarche.
Poursuivez la réflexion avec l’article sur l’éveil des consciences, un nouveau monde en marche.
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