Dans une exploration allégorique et spirituelle, ce texte révèle la « Profanite », une maladie affectant les Francs-Maçons. Elle se manifeste par l’oubli des enseignements initiatiques et un comportement égoïste, avec des remèdes symboliques proposés pour guérir et renforcer la solidarité et l’engagement initiatique.
En ce soir, de joie et de bonheur, je suis réellement désolé, je suis obligé de vous parler un instant d’une cruelle maladie qui frappe, depuis trop longtemps, les maçonneries du confort et du conformisme : la PROFANITE.
La Profanite et ses Symptômes
La maladie se caractérise par la perte partielle et momentanée (enfin, je l’espère) de ce que j’appellerai la mémoire initiatique. Elle se traduit à l’extérieur par un exemple qui est plutôt à déconseiller, qui s’exprime par : « je te reconnais comme frère… quand cela me convient ».
Le malade est facilement reconnaissable car il se déplace avec une carapace faite de toutes sortes de métaux et ne peut, ou plutôt ne veut pas s’en débarrasser.
Pour la prévention, il faut se rendre chez ce docteur qui tient cabinet rue de Réflexion. Il administrera le vaccin « initiation » qui doit laisser une marque indélébile au patient.
Remèdes Initiatiques et Prévention
Si la maladie est engagée, plusieurs remèdes seront prescrits parmi lesquels :
- la pose de trois sangsues, en suivant bien les indications, c’est-à-dire la première sur la joue gauche, la deuxième sur la joue droite, la troisième à nouveau sur la joue gauche,
- la saignée appelée « abandon des métaux »,
- et la pose d’un cataplasme (à ne pas prendre dans le sens marseillais du terme) appelé « Tablier ».
Si malgré tout cela, le résultat n’est pas celui qui était escompté, il reste le sérum transmis en secret au fil des générations par les Francs-Maçons : la Chaîne d’Union.
L’initiation dans une Loge Libre et Souveraine, la méthode symbolique qui donne du sens, sont les remèdes qui devraient nous protéger et nous ouvrir les yeux sur cette menace.
L’Assemblée des Animaux : Leçons de Vie
Les Francs-maçons ne meurent pas tous, mais tous étaient frappés.
Devant l’épidémie qui risquait d’atteindre des proportions inquiétantes, le Vénérable Maître Lion réunit toutes les Sœurs et tous les Frères dans un lieu secret fort éclairé, autour d’un Tableau de Loge et leur dit :
- Mes Sœurs, mes Frères, nous avons de Midi à Minuit pour réussir ou échouer, le sort de notre communauté est entre nos mains. Nous devons chercher et trouver le chemin de la guérison, même si ce n’est pas nous qui atteindrons le but. En tant que votre chef, je dois avouer qu’il m’est arrivé, ainsi que quelques autres frères, d’être touché d’une manière bizarre par la maladie. Nous sommes atteints de la « Profanite Galopante ».
Le Frère Rat demanda alors la parole et elle lui fut accordée :
- Il est vrai que je me suis réfugié aux champs, mon ventre est un peu plus plat. Mais malgré ce, je ne peux m’empêcher quelquefois de retourner en ville dont je ne crains pas les risques. Ne suis-je pas celui qui vous a délivré, Vénérable Maître Lion, avec mes dents quand vous étiez pris dans les filets ? Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.
- C’est exact, répondit le Vénérable Maître, mais n’oublie pas qu’un Rat n’est pas un Eléphant et que la Sœur Chatte est là pour te le rappeler.
Le Frère Moucheron s’adressa au Vénérable Maître Lion :
- Vous m’avez humilié, Frère Lion et cela vous a coûté. La savane retentit encore de votre colère, vous avez oublié que l’on a toujours besoin d’un plus petit que soi, et si robuste que vous étiez, vous n’avez pu m’attraper. Fort de ma victoire dans un chemin montant, sablonneux, mal aisé, j’en ai remporté une autre…
- Tu oublies ma toile dit la Sœur Araignée, dans laquelle ton orgueil t’a précipité avant que le vent ne nous emporte.
La Sœur Chatte qui sommeillait jusque-là parla des Frères Rats à qui, disait-elle, elle ne voulait aucun mal, mais elle devait assurer sa pitance. Tant pis pour eux, c’est la Loi de la Nature.
- Je suis assez maline pour me tirer d’affaire toute seule et échapper à cette règle. Le monde ne prend pas garde et juge trop les gens sur leur mine. Le Frère Renard a mille tours, je n’en ai qu’un, mais c’est le bon.
- Pas si efficace que cela, rétorqua un vieux Frère Rat à qui le temps et les combats avaient laissé sur son corps de multiples traces. Tout blanc que tu étais, je ne t’ai pas pris pour ce sac de farine à qui tu voulais ressembler. « Vigilance est mère de sûreté ».
- Frère Renard, tu as la parole !
- Vénérable Maître et vous tous mes Sœurs et Frères, cessons de nous détruire, soutenons-nous et luttons ensemble. Frère Loup et Frère Bouc, si je vous ai laissé tous deux au fond d’un puits, vous vous en êtes « tirés » malgré tout. Moi-même, j’ai fait la paix avec le corbeau. À flatteur, flatteur et demi…
- Frère Renard, dit le Frère Loup, si ta devise est, en toute chose, il faut considérer la fin, un jour tu seras tout seul et il n’y aura plus de fin. La mienne de devise est : « la raison du plus fort est toujours la meilleure ». Si je croque les agneaux, je ménage les brebis. Mais j’ai été assez sot pour descendre dans le puits où tu m’as attiré. Si je n’ai que la peau et les os, je peux courir où bon me semble, la liberté est le plus important des biens de ce monde et je ne peux supporter le collier du Frère Chien.
- Ce collier, je l’ai accepté, mon Frère, dit Frère Chien, il m’arrive de vouloir m’en débarrasser, mais dans la vie, il faut choisir. Tu as fait ton choix, moi le mien. Malgré cela, j’ai lâché ma proie pour l’ombre et continue d’y courir après.
- Pour ce qui est de courir, déclara le Frère Cheval, cela est mon affaire ; au fil de la route, j’ai dû casser les mandibules au Frère Loup qui voulait me laisser croire qu’il était chirurgien. À chacun son métier. Mais, pour ne pas avoir secouru un pauvre Frère et l’aider dans sa marche, on me fit porter son fardeau et sa peau par-dessus encore. Il faut s’entraider, c’est la Loi de la Fraternité Initiatique.
Le Frère Chien déclara :
- J’ai rencontré un personnage de cette espèce, il avait refusé de m’aider à prendre mon repas qui était sur son dos. Lorsque le Frère Loup a voulu l’attaquer, je suis resté sourd à ses appels. C’était cher payé tout de même pour quelques os.
La Sœur Fourmi présenta les excuses avec oboles de la Sœur Cigale qui continue de chanter et, ce qui est nouveau, de danser.
- Sommes-nous coupables de la mort de la Sœur Tortue, nous les Frères Canards, jumeaux de surcroît. Nous l’avons fait voyager dans les airs. Dans la gueule, nous lui avons passé un bâton que nous tenions à chaque bout. Elle s’est pris pour la Reine des Tortues et en desserrant les dents pour le proclamer, elle s’est écrasée au sol. Le résultat aurait été le même si nous avions voulu pour la prévenir ouvrir notre bec. Elle a été victime de sa victoire sur le Frère Lièvre.
Tubalcaïn : La Nouvelle Voie
Le Vénérable Maître Lion prit la parole :
- Vous auriez pu lui donner ces conseils avant de prendre l’envol. Imprudence et sotte vanité vont souvent ensemble.
- C’est vrai, déclara le Frère Bœuf en jetant une larme furtive sur cette pauvre grenouille qui voulait lui ressembler.
- Vénérable Maître, on a frappé à la porte du Temple, il s’agit de l’Ane, celui que nous nommons le Frère sans tablier.
- Mettez-lui un bandeau sur les yeux et faites-le entrer.
- Messire Baudet, pourquoi êtes-vous venu chez nous ?
- Je passai, j’ai cru voir la Lumière, j’ai frappé.
- Parlez avec franchise, nous vous écoutons.
- Il m’est arrivé de brouter l’herbe tendre d’un pré qui ne m’appartenait pas. J’avais faim et n’avais trouvé aucun secours. Au singe qui me le reprochait, d’une ruade, j’ai cassé la tête. J’ai agi comme le rapace qui a dévoré le Rossignol qui chantait si bien, ventre affamé n’a pas d’oreille. Pourtant, j’ai déguerpi à toute allure à l’approche du Loup, abandonnant quelques-uns de mes amis qui m’avaient suivi et qui en furent pour leur frais. J’ai porté des reliques sur mon dos et j’ai cru que c’était moi qu’on adorait. Je suis parti en guerre avec les sujets du Roi Lion qui disait à ceux qui se moquaient de moi : « Il n’est rien d’inutile aux personnes de sens ».
J’ai été leur clairon, j’ai sonné la charge, j’ai sonné la retraite, mais ils m’ont tous apprécié quand j’ai joué la fin des hostilités. Cela m’a rendu présomptueux. J’ai convoité et pris quelques ânesses, compagnes de mes semblables.
J’ai protégé de jeunes ânons et soutenu de vieux compagnons au moment de leur mort. J’ai tué une poule qui faisait des œufs d’Or.
Je crois que j’ai fait le bien et le mal, mon pelage n’est-il pas noir et blanc.
J’ai connu la joie et la peine. Si c’était à refaire, je referai le même chemin. Il est impossible d’arrêter le temps, ce qui est fait est fait.
Le principal est à chaque fois d’en retenir la leçon et surtout de la comprendre.
- Vous pouvez vous retirer, Messire Aliboron, nous vous ferons part de notre décision.
La quasi-unanimité se fit sur ce cas :
- Le voilà, ce galeux par qui le mal nous arrive !
- Comment est-il possible de se conduire et de penser de la sorte !
- Il faut nous préserver pendant qu’il est encore temps, il faut tuer le ver avant qu’il n’entre dans le fruit !
Le Frère Adam, fait homme et femme, se leva :
- Calmons-nous, voyons les choses en face. Ce discours que nous lui reprochons, ne venons-nous pas de le tenir ici même. Le Frère Léopard l’a dit, nous sommes Lynx pour les autres, Taupe envers nous. Faisons preuve de tolérance. Nous sommes en train de singer le Frère Cerf qui craignant pour sa vie s’était réfugié dans une vigne afin de se cacher des chasseurs qui le poursuivaient. Et, pour l’en remercier, l’a brouté, une fois le danger passé.
Ne profanons pas le Temple qui nous a donné asile.
Chaque chose dans la nature a une mission bien définie à remplir.
Isolés, nous sommes faibles, liés les uns aux autres, nous sommes forts.
Si le roseau a résisté à l’orage, j’ai été bien heureux alors que j’étais épuisé de rencontrer un chêne contre lequel j’ai pu m’appuyer pour reprendre force et vigueur.
La fin de ma vie est proche, écoutez-moi, je dois vous confier un secret. Au cœur de cette immense pierre qu’est notre planète, un trésor est enfoui, à vous de le découvrir. Je tiens ce secret de mes ancêtres laboureurs.
Ils se séparèrent et partirent aux quatre coins de la Terre ; ils connurent la Pluie, le Vent, la Brûlure du Feu du Soleil. Au cours de leurs voyages, ils furent malmenés, bousculés, guidés, quelquefois tranquillisés ; ils furent menacés, secourus, ils burent la coupe jusqu’à la lie.
Il leur sembla qu’on avait ôté un bandeau de leurs yeux.
Ils virent le monde différemment.
Ils rencontrèrent leur pire ennemi : eux-mêmes.
Ils retournèrent à leur point de départ, ils ne purent se reconnaître qu’avec des mots, signes et attouchements. Ils étaient devenus des hommes très âgés et donc très sages.
- Vénérable Maître, il est minuit, nous sommes las, le temps nous a usé, le repos nous aspire.
- Nous avons retourné la Terre toute notre existence et qu’avons-nous trouvé : du métal ! Voilà le résultat de notre vie !
Une main jeta sur les marches de l’Orient un bloc de pierre à peine dégrossi dans lequel les veines du minerai scintillaient.
Caché derrière ses Sœurs et ses Frères jusque là, un jeune homme, la taille ceinte d’un tablier blanc se dégagea, fit trois pas en avant en équerre et double équerre.
L’émotion l’étreignait à la gorge, il y porta sa main droite et dit :
- Vénérable Maître, je n’aspire pas au repos, je vous demande la permission de continuer à travailler cette pierre. Je désire continuer à lire les Fables et apprendre ainsi des animaux et de la Nature.
- Si tel est ton désir, mon Frère, la permission t’est accordée.
Quel est ton nom ?
- Tubalcaïn, Vénérable Maître.
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