La vision de l’initié et l’extension de domaine du réel.

La méthode maçonnique et une technique de plénitude du langage verbal et non verbal, basée sur les symboles qui donnent accès aux archétypes.

Ces archétypes sont les restes, les vestiges de la pensée universelle de nos anciens suivant la science traditionnelle. La science traditionnelle se rapporte à la vision totale, holistique. Cette vision est suggérée par notre intuition et constitue un métalangage. L’intuition est-elle même un rêve ou un songe qui veut s’exprimer.

Ce métalangage investi le monde ordinaire, l’infra monde et le monde supérieur. C’est la base d’une supraconscience. La supraconscience, c’est la fameuse lumière du franc-maçon. C’est une conscience individuelle et collective de la totalité et de l’unité. Elle est l’équivalent du terme « dieu » dans le domaine exotérique.

C’est pour cette raison que le franc-maçon réapprend à voir et à parler dans un espace qui élargit sa perception du réel. Il n’est pas étonnant que l’initié donne au langage et à la perception du réel toute sa dimension.

Le fondement même de l’initiation et de réactiver nos facultés oubliées.

Le franc-maçon bénéficie-t-il d’une vision de la réalité différente du commun des mortels ? La question n’est pas nouvelle. À Édimbourg en 1638, le poète Adamson dans The Muse, fait référence à la vision particulière développée chez les francs-maçons et les rose-croix : « Car nous sommes des Frères de la Rose-Croix ; nous possédons le mot de Maçon et la double vue ». Or, ce qui réunit les francs-maçons et les roses-croix en cette période c’est le désir de changer la société représentative du réel, en s’inspirant à la fois des sagesses anciennes et en proposant des sciences nouvelles.

La franc-maçonnerie va mettre en œuvre dans ses rituels des techniques symboliques de représentation du réel. Ces techniques reposent sur les symboles et les rituels, et surtout sur la loge elle-même qui devient un athanor de la représentation d’un réel apparent et caché. Les moyens sont donc divers pour rendre compte de l’étendue du réel, ce sont la polysémie étagée des symboles, la triangulation des symboles et le miroir des symboles. Ce qui est apparent et caché est perceptible par ce « don de double vue ».

Le franc-maçon restaure ce don de double vue et le mot de Maçon : le don de « double vue » est une vision profonde et élargie du réel, quant au « mot de Maçon » c’est un langage verbal et non verbal nécessaire à la représentation d’un réel global.

On dit que l’initiation aboutit à une métamorphose du regard sur le réel et à un développement des facultés cognitives. L’intelligible profond fait apparaître l’image cachée ou enfouie. L’intelligible profond dépend directement des facultés interprétatives du réel, mobilisées par l’esprit humain.

Or, l’initiation se déroule dans un réel séparé, celui de la loge, afin de préserver toutes les dimensions du réel intégrant la valeur primitive d’un langage dit « sacré », car originel. Le réel est lié à notre vision et à la représentation que chacun peut en avoir. La métamorphose du regard portera sur la portée de la vision et l’étendue de la représentation mentale.

La voie maçonnique est une voie initiatique basée sur le réel, celui de la pierre taillée par la main de l’homme, elle n’a d’autre ambition que de nous faire embrasser la réalité dans toute l’étendue du spectre lumineux et dans sa transparence. C’est donc des yeux symboliques qui scrutent la réalité avec une intelligence élargie qualifiée parfois d’intelligence du cœur ou de l’esprit. Le cœur étant le centre et l’origine de l’être de chair, c’est donc l’intelligence de l’origine, de la source première qui nous permet de mieux percevoir et de mieux entendre le monde.

Pour mieux percevoir le réel, il faut réactiver les facultés cognitives oubliées.

C’est ici que s’exercent les fonctions anagogiques, herméneutiques et comparatistes qui donnent accès, par un certain cheminement graduel, à la fameuse représentation mentale universelle dont le fondement reste le symbole. Il y a donc une intention délibérée que de vouloir la vérité et la lumière au milieu du réel. Cette volonté de rend pas neutre le regard de l’initié. Nous pouvons dire que son regard est doté d’une intention que nous appellerons « intention initiatique » qui replace le réel dans un vaste champ de perception.

La réalité nous apparaît sous un angle plus subjectif qu’objectif.

Cependant, le regard de l’initié reste lié par une intention lumineuse : l’objet ou le sujet sera mis sous un éclairage principiel. C’est notre vision de la réalité qui est aujourd’hui polluée par une représentation superficielle, consumériste et fragmentée du réel ; il existe plusieurs façons de voir le réel.

Le regard de surface sur le réel est lourd de conséquences. Il implique ce qu’on appelle le désenchantement du monde qu’a très bien décrit Max Weber.

Face à la relativité profane du réel, les sciences traditionnelles vont donner une relation unifiée du réel en mettant au grand jour la partie ésotérique ou hermétique de celui-ci.

L’initié s’attache à la recherche de la cause première stable et originelle, à l’image de la lumière qui luit dans les ténèbres, donnant un relief particulier au monde des formes. La tradition initiatique nous enseigne que le réel recouvre une dimension qui dépasse les seuls éléments discursifs et apparents que l’on nomme communément réalité. La réalité profane ou commune est impermanente et changeante dans ses aspects les plus apparents.

L’initié doit repenser le réel à l’aune de sa capacité à voir au-delà des apparences et à concevoir dans une vision symboliste une universalité dans laquelle s’insère l’existence.

En dépassant les apparences, le réel n’est pas enfermé dans une notion existentielle restreinte et impermanente, mais, au contraire, bénéficie de champs et de perspectives étendus et stables. Pour accéder à ces champs et perspectives, il faut avoir dépassé un certain état d’intégration à soi du réel qu’on appelle « réalisation de soi« , soit un état de conscience supérieur par l’intégration de la réalité et de l’universel en soi. C’est la connaissance de soi qui permet la réalisation de soi, facteur d’unité, de stabilité et de continuité.

Replacer en soi, l’existence, le réel et la réalité dans une perspective plus large permettent de réenchanter, de réharmoniser la vision du monde. Cet autre regard sur le réel passe obligatoirement par la connaissance de soi, des autres et du Monde.

La réalité est un potentiel à découvrir par un observateur averti et formé.

L’initié se reconnaît dans cette aptitude.

Chacun devra exprimer son étendue du réel en fonction de son avancement initiatique. L’avancement initiatique s’apprécie relativement à l’acquisition du langage lumineux qui l’accompagne, ce sont les mots de passe et les mots « sacrés » dont le sens profond est acquis, mais aussi tout l’univers du langage non verbal qui accompagne la représentation mentale du réel vers les frontières du sacré.

Ce développement du vocabulaire et des moyens d’expression n’est qu’une restauration du potentiel cognitif oublié ou réservé. Chacun peut avoir sa vision du réel, mais l’initié se donne les moyens de voir et d’entendre la structure universelle afin de se soustraire au relativisme et à la superficialité. C’est ici que la richesse du réel de l’initié devient comme l’épure du schéma premier du Grand Architecte.

Du possible au réel, tel est notre mission !

Chacun peut avoir sa propre représentation du réel manifesté, mais une formation traditionnelle aux symboles, mythes et archétypes permet d’unifier la vision, de la rendre claire dans son expression intérieure.

Il y a donc une étape à franchir, celle de la représentation mentale de l’objet ou signe observé non plus au niveau de l’affect, mais au niveau de l’esprit. Le signifiant (représentation mentale de la forme) est vu en 3 temps :

1/ l’objet ou le signe concret pour son apparence,

2/ puis le schéma symbolique qu’il porte en lui.

3/ et enfin le sens supérieur qu’on veut lui donner en regard de l’Être ou du Principe.

D’une représentation mentale objective, on passe à une représentation mentale qui dépasse le concept pour atteindre l’essence.

C’est le champ des possibles qui s’ouvre devant nous grâce à la reliance.

Le franc-maçon pour appréhender le réel dans tous ses possibles, ne peut donc faire l’économie de l’apprentissage des symboles, de la géométrie, de la synthèse, de l’exégèse, de l’herméneutique et de l’anagogie, de l’alchimie spirituelle et autres sciences traditionnelles (et de leurs langages) qui élargissent le domaine du réel « apparent » et substantiel, en direction du « sensible » du subtil et de l’essence. La marche vers le Principe est alors possible !