Calcul d’Airain

Colonnes antiques se dressant vers le ciel, évoquant la quête historique de l'égalité et de l'honneur dans le rite français.
Égalité par le haut

Explorez le riche symbolisme du rite français en franc-maçonnerie, un chemin fascinant mêlant histoire, philosophie et pratiques ésotériques.

Les racines du Rite Français

Le Français désire l’égalité mais par le haut …

Cette affirmation que l’on retrouve en page 4 du rituel est une conclusion pour exprimer une des premières spécificités du rite Français de 1783. A cette occasion, on peut lire qu’à l’enseignement « anglais », le rite français restera toujours fidèle. C’est la moindre des choses que d’affirmer cela dès lors que l’on comprend que les rites spéculatifs ont tous été mis en place par des anglais ou plus précisément des anglo-saxons. Les Loges françaises, c’est-à-dire, les loges allumées sur le territoire français et plus particulièrement dans les territoires franco-anglais qui deviendront plus tard les États-Unis se sont démarquées des pratiques sur les territoires anglais par une différence qui, je cite, « saute aux yeux » : la présence et l’usage de l’épée dans la symbolique française dès les premiers grades et dès les toutes premières années. Je lis que cette innovation est la preuve d’une certaine différence entre les maçons français et anglais. Le « français » désire l’égalité mais par le haut.

Histoire britannique et Franc-Maçonnerie

Sous le filtre de l’histoire et particulièrement de l’histoire britannique depuis Cromwell jusqu’à Walpole, on comprend aisément le rejet de toute arme dans les Loges anglaises pour la simple raison qu’ils s’en étaient beaucoup trop servis depuis deux siècles par de nombreux conflits civiles, religieux et politiques. Au tout début du dix-huitième siècle, en 1717 par exemple, le roi d’Angleterre était allemand, vivait à Hanovre et venait en Angleterre, une fois par an dans ce pays dont il ne connaissait même pas la langue. Bref, les loges anglaises ont rejeté les épées, pour toute circonstance, pour éviter le rappel de mauvais souvenirs fratricides.

Distinction sociale et symbolique en France

En France, le climat d’avant révolution française était pour le moins clivé. La société était constituée de classes sociales distinctes, qui se démarquaient notamment par le port de l’épée pour les nobles, à l’inverse des roturiers qui n’en portaient pas. Sous Louis XV, l’essentiel des roturiers en Loges étaient plus riches que l’essentiel des nobles qui n’avaient qu’une particule à négocier aux négociants. En gros, et pour dire simplement et rapidement, certains amenaient le rang, d’autres amenaient la fortune, plus quelques religieux inquiets quant à l’avenir.

Ainsi courant 1740, Tous les maçons français, en France, se sont dotés de l’épée avec ce souci d’égalité, d’honneur et de liberté. Tous les frères, dans le cadre des tenues devenaient égaux, plus de titres, plus de fortunes. Les frères étaient tous des gentilshommes et portaient l’épée y compris hors des loges.

L’Évolution du Rite Français

Voilà, c’est donc sous le règne du fade Louis XV et sous l’impulsion du Duc d’Antin, grand maître des loges du royaume que le port de l’épée fut généralisé. Ensuite, dès 1773 et la création du GODF et son premier grand maître le duc de Chartres Louis Philippe d’Orléans, dit le gros, père de l’illustre frère Philippe Égalité et également duc de Nemours, de Valois et de Montpensier, premier prince de sang, le rite français moderne a été finalisé et c’est celui que nous nous efforçons de pratiquer aujourd’hui.

Voilà, ainsi on peut conclure que « le français » a désiré l’égalité par le haut, c’est-à-dire que les roturiers, souvent très fortuné seront en Loge à l’égal des nobles, avec l’épée.

Critique de l’histoire rituelle

Voici donc grossièrement et inexactement l’explication historique, avec des noms et des dates.

On comprend grâce aux rappels historiques les origines d’une pratique, mais cela n’est pas de la symbolique et affirmer aujourd’hui que le rite français moderne se caractérise par cette affirmation est absurde et ne rend pas grâce à l’article treize de notre Charte. De plus, si l’affirmation que le français désire l’égalité par le haut est encore retranscrite dans le rituel aujourd’hui, alors on peut pressentir d’autres raisons pour maintenir et soutenir cette affirmation ou alors cela signifierait, en pire, que notre très Vénérable souhaite nous faire perdre notre temps, un temps qui nous est compté.

Alors je range les livres d’histoire, j’occulte les raisons véritables mais exotériques et trop simples à comprendre et finalement sans intérêt et je me repose la question, en bon ignorant du fait historique, pour voir :

Le français désire l’égalité mais par le haut.

Le symbolisme de l’Épée

S’il est entendu que le port et l’usage de l’épée distingue les rites continentaux des rites anglais, il serait erroné de croire qu’il n’y a pas d’épée dans les rites anglais. Simplement, il n’y a pas l’objet épée en nature dans les rites anglais, mais les sautoirs des couvreurs et des tuileurs en sont dotés, deux épées croisées pour le couvreur, une pour le tuileur au standard, au style émulation ou au rite d’York, par exemple. Une autre arme, le poignard mais aussi la hache s’invite parfois dans les cérémonies.

La dualité des rites et leurs chemins

Cette affirmation devenue une maxime ne parle d’ailleurs pas de rite. Elle dit « le français », le français désire l’égalité mais par le haut. Alors je pose un postulat, comme une vérité et je vais tenter de le valider ou de le rejeter.

Je suppose que cette affirmation distingue non pas les anglais des français, car c’est de l’histoire et tout est dit, mais les français d’autres français, et là, c’est peut-être de la symbolique.

L’épée ne serait donc plus un point de différence qui « saute aux yeux » d’entre les rites continentaux. En effet Au REAA, RER, RAPMM, SOT et que sais-je, il y a des épées avec une symbolique variée et complexe. Mais souvent, la symbolique autour de l’épée est plus ou moins convaincante et plus ou moins fluctuante jusqu’à se demander parfois, si l’épée n’est pas un accessoire de panoplie.

Comme j’ai une grande estime pour leur acuité à l’endroit des fondateurs du GOTM, je ne crois pas anodin l’idée de combiner dans la pratique et dans l’étude le rite français moderne de 1783 et le rite écossais ancien et accepté. Je dissocie nos frères égyptiens qui pratiquent avec sérieux, une voie initiatique sérieuse mais présentée comme un préambule dont les desseins sont tout autre d’une maçonnerie de tradition, martinisme, élus Cohen, prêtrise gnostique, théosophie, etc.

C’est donc une vraie chance, une voie d’excellence pour nos frères et sœurs apprentis : Ils vivent une pratique rituelle et ils peuvent en étudier une autre. Par exemple, un apprenti né au rite français moderne, aussi peu avisé soit-il en saura toujours plus, car il a reçu avec l’initiation par l’expérience, par une naissance véritable, une imprégnation véritable. L’étude d’un rituel « a posteriori » conduira au mieux à l’exégèse, mais il manquera toujours l’émotion, la sueur. Idem et à l’inverse pour un apprenti né au REAA, bien entendu.

IL n’y a pas de jugement de valeur entre ces deux rites, mais si l’important est le chemin alors, il y a deux sens à ce chemin, proposés par deux rites. L’apprenti vit un rite et dans le cadre de ses visites, il étudie l’autre.

Un bon fruit du GOTM a une vraie chance mais aussi n’est pas à l’abri d’un vrai danger, la confusion, une schizophrénie maçonnique, si j’ose dire, avec le rite français moderne, rite chrétien et le rite écossais ancien accepté, rite hébraïque, pour dire vite, et qui s’entrechoquent. Les deux rites étant, l’un comme l’autre, hautement hermétiques.

Synthèse des Traditions et aspirations initiatiques

Et maintenant je pose enfin le postulat ridicule, j’essaye et on verra bien : Le français désire l’égalité par le haut alors, l’écossais désire l’égalité par le bas.

L’idée d’une démarche qui commence par le haut invite à descendre, l’idée d’une démarche qui commence par le bas, invite à monter. Les esthètes de la dialectique utiliseront les mots qui leurs plaisent, immanence et transcendance, par exemple.

Une tradition chrétienne implique une chute, une faute originelle, du haut vers le bas. La tradition hébraïque non et je nous renvoie à l’idée des grenades aux 613 grains, les 613 devoirs qui ouvrent le seuil de la sagesse. La tradition hébraïque consiste à élever la conscience depuis la matière, la tradition chrétienne consiste à élever la conscience depuis l’esprit. Encore une fois, pas de jugement de valeur, mais deux point de « départs », un par le haut, l’esprit, un par le bas, la matière avec comme point de jonction, la lumière.

En effet, la couleur prédominante du rite français est le bleu, le bleu azuré, comme le ciel ; La couleur prédominante du REAA est le rouge, comme la terre, la terre rouge et je laisse les cabalistes à leurs réflexions à propos d’Adam.

Mon histoire farfelue commence donc comme toutes les histoires, par la genèse. C’est pas mal, non ? Au commencement dieu créa le ciel et la terre et les hommes ont créé le rite français moderne et le rite écossais ancien accepté, non ? Je plaisante.

Une petite parenthèse pour rappeler que je ne suis pas né au rite français moderne mais au rite anglais style émulation, où j’ai passé quinze ans à me faire croire que cette pratique n’était pas exotérique. Quinze ans à rejeter particulièrement le rite français, un rite que je considérais vide et bruyant. Appréciant la voie du laboratoire, j’ai toujours étudié le REAA en parallèle. Aujourd’hui, à force d’imprégnation, j’ai substitué mon rite de naissance avec le REAA et les automatismes de compréhension ou de ressentis ont suivi.

Chaque jour, je découvre des aspects du Rite français moderne et chaque jour je m’aperçois de la puissance et de la cohérence hermétique de ce rite.

Depuis le début de mon bavardage, j’ai l’impression de tourner en rond, autour du pot comme de juste. Alors je reprends cette cérémonie d’initiation au rite français moderne de 1783, que je n’ai ni vu, ni vécu, par le début et non pas à la réception du candidat, mais à la première sollicitation du vénérable Maître. J’ai raté quelque chose.

« Maître de cérémonie, faites avertir le frère préparateur que la loge attend le compte qu’il est chargé de lui rendre. » La phrase est curieuse. Le compte, en caractère gras dans le rituel, c’est important ? Mais bien-sûr, compte, du latin « calculus », petit caillou. Le très vénérable réclame un petit caillou, au frère préparateur, ou devrais-je plutôt dire, au laborantin.

« Frère préparateur, faîtes-moi parvenir son épée et ses métaux. Son épée et ses métaux ? » Mais l’impétrant a été dépouillé de ses métaux et il n’a pas d’épée ? Et puis ce n’est pas l’explication d’un protocole, ce n’est pas dans la marge, cette phrase vient du très Vénérable, de l’Orient. Il ne peut pas réclamer ainsi une arme et de l’argent pour l’Orient, c’est insensé. A moins que le très vénérable réclame un petit caillou, avec de l’esprit saint et avec de l’or dedans. Fichtre, autrement dit un fragment de la pierre universelle avec son ferment.

Décidément, il est étonnant le rite français moderne de 1783, très étonnant.

Un rituel qui commence par une telle énigme, c’est signé, les cornues ne sont pas loin. Le très Vénérable demande un fragment de la pierre doté de l’esprit saint car il sait que le français désire l’égalité par le haut, le très haut.

« Quel est votre dessein en vous présentant ici ? Qui vous a inspiré le désir ? La curiosité n’y a-t-elle pas la plus grande part ? » On doit se féliciter de l’embarras et des bafouillages de l’impétrant. Imaginez qu’il réponde, quel est votre dessein, être le fils, qui vous a inspiré, le père, la curiosité n’y a-t-elle pas la plus grande part, vous voulez dire l’esprit saint, monsieur ? Bref, je plaisante.

Très Vénérable, le français désire l’égalité par le haut et j’ajoute donc pour rire, pour de moins en moins rire, que l’écossais désire l’égalité par le bas.

Encore une fois, il n’y a pas de jugement de valeur, dans ces deux chemins nécessaires. Il faut imaginer une divine comédie, ou un groupe partirait du paradis et un autre de l’enfer afin de se rejoindre, au milieu, là-bas, derrière une dune et sous un acacia.

Le français à un nom, Tubalcaïn et il pénètre debout, droit, la tête haute, par une porte à grand battant et à verrou. L’extérieur inonde l’intérieur et le frère terrible, campé à l’occident, accompagne l’impétrant, à reculons. Il vient, il descend jusqu’à nous.

L’écossais n’a pas encore de nom et pénètre en rampant, la tête courbée, comme un serpent ou un lombric et il se faufile par la porte basse, après un couloir étroit, une galerie d’une mine. Aucune lumière à l’extérieur et le frère expert, bien campé au pied de l’Orient, accompagne l’impétrant, en marche avant. Il vient, il monte jusqu’à nous.

Le français donnera du sang quand l’écossais recevra le sceau, l’un tend la main pour donner ce qu’il a, en partant du pied droit, quand l’autre tend la main pour recevoir ce qu’il n’a pas, en partant du pied gauche.

Le français qui désire l’égalité par le haut boit pour oublier, après les voyages quand l’écossais qui désire l’égalité par le bas bois pour se souvenir et effectue ensuite les voyages.

Le très vénérable du français dit au néophyte, ce breuvage par son amertume, est l’emblème des chagrins inséparables de la vie humaine. Il semble expliquer au néophyte, l’âpreté de l’existence comme si il l’ignorait. L’esprit d’en haut vient à la matière, pour s’amalgamer.

Le vénérable Maître de l’écossais dit, que ce breuvage devenu amer soit pour vous le symbole de l’amertume et du remords et qu’il peut encore se retirer s’il se croit parjure et marqué par une existence vile. Quand sa matière sera noble, elle pourra donc s’amalgamer à l’esprit saint. Pour cela l’épreuve par les quatre éléments est nécessaire.

Le français et l’écossais se rejoignent et se retrouvent autour de l’épreuve de charité ou l’un comme l’autre est désormais démuni de tout, même et encore une fois quand le français subit l’épreuve de charité, de son sacrifice, avant son serment quand l’écossais prête serment afin de pouvoir subir l’épreuve de charité, son sacrifice.

In fine, le français et l’écossais vivront la même expérience par le même chemin, un diamètre dans une sphère, chacun d’un bout, et jusqu’à l’autre, périphérie, centre, périphérie.

Enfin, le très vénérable du français prononce la formule de réception, « je vous reçois et constitue apprenti franc-maçon ». Tandis que le Vénérable maître écossais dit : « Je vous crée, reçois et constitue. » Et oui, on ne crée pas ce qui existe, ce qui est déjà nommé. On ne crée pas le résultat d’une chute.

Bref.

Le français désire l’égalité par le haut, qu’il soit Adam, Héphaïstos ou Christ et l’écossais désire l’égalité par le bas, qu’il soit Adam, Héphaïstos ou Christ.

Je conclue.

La communauté initiatique peut à loisir commenter les aspects philosophiques et spirituels du noble art, c’est même indispensable. Mais nous sommes seuls, dans l’intimité du laboratoire. La véritable lumière de l’œuvre ne peut être vécue de l’extérieur car elle est au centre de tout, protéger par une cristallisation naturelle. La communauté initiatique la devine et la touche, puisque cette lumière est au centre du système solaire, au centre de l’être, au centre de notre matière mercurielle, au centre de l’atome et de l’univers.

Chaque conquête sur la matière est une victoire vers un plan de compréhension supérieur et c’est dans l’intimité du laboratoire que l’on peut vérifier si ses manipulations sont en accord avec les lois de la nature.

La communauté initiatique commettrait une erreur si elle considérait le grand art comme une voie exclusivement spirituelle et philosophique sans prendre le temps d’établir le lien véritable qui unit, l’esprit au corps, formant ainsi la matière primordiale.

L’alchimie universelle consiste en deux voies qui ne forment qu’une seule réalité, la voie du cinabre et la voie du sel.

La voie du cinabre, sulfuro-mercurielle, illustre la genèse alchimique, elle est l’ouvrage du saint béni soit-il.

La voie du sel illustre la réintégration de la pierre inférieure au rang de l’être glorieux, suprême, divin.

La voie du cinabre est associée à la chute, ou construction de l’Adam primordial, base et support de l’œuvre alors que la voie du sel est associée à la famille divine, angélique et archangélique. L’une est involutive, formative, inférieur, dans la mesure où elle sert de creuset, quant à l’autre, elle est évolutive, créatrice, supérieur, puisqu’elle manifeste la finalité du cycle terrestre.

Pour illustrer les rapports étroits qui lient la voie du cinabre et la voie du sel, je pourrais comparer avec l’arbre de la Cabale : La voie du cinabre est en lien avec l’arbre de vie quant à la voie du sel, elle reflète à la perfection l’arbre de connaissance. Les deux arbres, d’un point de vue alchimique, ne font qu’un. Mais cela va au-delà de mon champ de compréhension.

Bref, le français qui désire l’égalité par le haut, par la voie du cinabre se complète avec l’écossais qui désire l’égalité par le bas, par la voie du sel et vice-versa.

En d’autres termes, « il est vrai, sans mensonge, certain et très véritable que le français qui désire l’égalité par le haut est comme l’écossais qui désire l’égalité par le bas et que l’écossais qui désire l’égalité par le bas est comme le français qui désire l’égalité par le haut, pour faire les miracles d’une seule chose ».

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