Transmettre

a quête personnelle de vérité et la transmission
Exploration de la transmission comme parcours initiatique personnel et collectif en franc-maçonnerie.

« Transmettre», de prime abord, peut éveiller en nous quelque méfiance.

En effet, nous qui avons fait le choix d’entamer une démarche initiatique dans un ou des buts précis qui appartiennent à chacun de nous pourraient être troublés par cette notion de transmission.

Elle peut signifier, improprement certes, imposer, comme une vérité dogmatique, ce qui est et ce qui n’est pas, ce qui juste et ce qui est faux, ce qui est bien et ce qui est mal. La notion de transmission est, dans ce cas et à mon sens, antérieure à la notion de liberté, ce qui peut induire cette compréhension primitive et par trop négative de la transmission. En effet, on peut transmettre (étymologiquement « envoyer au-delà ») un défaut, une maladie, une calamité.

La Quête Personnelle de Vérité:

Par exemple, selon les époques et les lieux, on naissait dans tel dogme et il était hors de question, sous peine de représailles ou de mort, de ne serait-ce qu’imaginer que ce dogme ne fût pas détenteur de la Vérité, promesse tout au moins de tranquillité, mais aussi de bonheur, de béatitude, ou autre. Dans ce cadre et parfois en toute bonne foi, de nombreux guides, pensant transmettre car convaincus du bien-fondé de leurs idées reçues ne se sont révélés qu’être des censeurs de pensée en répondant « c’est ainsi, c’est comme ça » à l’esprit trop interrogatif.

Notre démarche initiatique est, quant à elle, bien différente.

Personne ne peut se targuer ici de posséder la Vérité dans son essence et de l’imposer aux autres. De nombreuses sœurs et de nombreux frères seront peut-être en complet désaccord avec mon propos, mais peu importe ; car aucun ne me dira que ce que je dis est faux, pas plus que je ne m’élèverais contre leur pensée en poussant des cris d’Orfraie. Leur ressenti sera différent et leurs interventions alimenteront ce morceau d’architecture.

Il ne s’agit d’ailleurs que d’un morceau, incomplet par définition, et non d’un cours magistral, ce dont je me garderais bien. Il n’y a pas d’hégémonie de pensée et ce n’est qu’une fois ceci admis, compris et digéré qu’on peut réellement parler de liberté. Par ailleurs, ne constituons-nous pas une « communauté d’esprits nécessairement contradictoires » travaillant au sein d’une « Loge LIBRE et SOUVERAINE » ?

Le Rôle du Vénérable Maître

Une fois initié, l’Apprenti est mis sur le commencement d’un chemin, mais pas n’importe lequel, de SON chemin et sa trajectoire et son amplitude ne dépendent que de lui. En cela, il me semble que la phase d’apprentissage est primordiale dans la mesure où c’est à ce moment là que la transmission débute.

Elle ne provient ni du frère travaillant ni de celui qui alimente son propos, mais elle vient de l’Apprenti lui-même quand il débute son travail de la pierre brute. Il rentre en contact avec lui-même à travers cette nécessaire phase d’introspection où il apprend à écouter, puis s’écouter et à forger son propre ressenti.

Mais personne d’autre que lui n’est en mesure de le dicter et de lui imposer.

L’Énergie Spirituelle en Mouvement

A ce stade, il est l’acteur principal de sa transformation tout comme il restera tout au long de sa vie maçonnique la cause, la conséquence et le moyen, donc l’actant, le résultat et l’outil.

Lors de l’ouverture de nos travaux, le Vénérable Maître signifie le début du travail maçonnique. En effet, lui seul permet la diffusion de la Lumière qu’il reçoit du Grand Architecte de L’Univers grâce à l’épée flamboyante, qu’il transmet par suite via son maillet et qu’il partage grâce à son flambeau, repris en écho par les deux surveillants sur chacune des colonnes.

Le Vénérable Maître constitue donc un relais entre la Lumière, donc le Grand Architecte de L’Univers et les Frères et Sœurs de la Loge. Pour capital qu’il soit, et pour cause puisqu’il est « le foyer de concentration du rayonnement intellectuel des Sœurs et Frères de la Loge », le Vénérable Maître (et a-t-on seulement conscience de la signification de ces deux mots accolés ? « Celui qui, en enseignant, est digne de respect ») fait néanmoins montre d’une extrême humilité par le fait de s’effacer et d’être transparent.

Entre Tradition et Modernité

Ainsi, le Vénérable Maître représente un intermédiaire entre la Lumière et le maçon. Et réciproquement, puisque s’adressant à lui seul, le maçon le charge de transmettre son propos aux Sœurs et Frères de la Loge, en faisant ainsi de Très Petits Architectes de l’Univers.

Lors de notre première entrée dans le temple, on a demandé pour nous la Lumière. Or, si vous me permettez cette analogie, L’Homme s’alimente dans le but premier de fournir à son corps l’énergie pour fonctionner, à son cerveau pour réfléchir, se réchauffer ou se déplacer. Sans vouloir entrer dans de la vulgarisation scientifique de comptoir et de bas étage, nous transformons de la même façon cette Lumière en énergie calorifique (pour réguler notre température), mécanique (pour nos déplacements, dans le temple et en dehors) et électrique (notre réflexion est élaborée par connexions synaptiques entre, au moins, deux neurones).

En ce moment même, tous les Sœurs et Frères ici présents, en écoutant ce morceau, transmettent leur approbation, leur désaccord, leur intérêt, leur ennui voire leur étonnement.

Et cet acte de transmission n’est rien d’autre qu’une transformation d’énergie dont les initiés ne sont rien d’autre que de simples vecteurs. Par ailleurs, l’énergie n’existe que si elle circule, d’une façon ou d’une autre.

Finalement, nous retrouverons ce phénomène de façon bien plus intuitive que ce que j’ai tenté d’expliquer lors de toute cette digression lors de la fermeture de nos travaux. En effet, lorsque nous relierons nos mains lors de la chaîne d’Union, l’énergie qui nous habite circulera entre nous de façon horizontale, dans le sens horaire. Tous ensemble, humbles maillons que nous sommes, par le simple acte de nous lier en unissant nos mains dégantées formons un réseau d’énergie qui circule indéfiniment de l’Orient au Septentrion, via le Midi et l’Occident.

De plus, chacun de nous partage et permet le cumul de cette énergie qui nous provient également de sources verticales, la « céleste » du Zénith et la « tellurique » du Nadir. Donc, le Franc-maçon constitue non seulement un relais d’énergie pour ses Sœurs et Frères, de façon horizontale, mais également un intermédiaire entre le Grand Architecte de l’Univers et le profane, (et qui sait ? Le futur initié), qui se trouve au centre de la Terre.

Enfin, pendant la chaîne d’union « qui [le] lie dans le temps comme dans l’espace,

[lui] vient du passé et tend vers l’avenir », les pensées du maçon convergent « vers [ses] maîtres vénérés qui la formaient hier », le transformant ainsi en un relais entre le passé et l’avenir puisque l’un des devoirs maçonniques consiste à enrichir la Chaîne « de nombreux et solides anneaux de pur métal », donc à perpétuer la tradition.

Le maçon se trouve donc au centre des trois dimensions spatiales et de la dimension temporelle, ce qui peut nuire à son indispensable humilité. Pour tenter de se prémunir de ce risque, il ne doit pas perdre de vue que son éventuel égocentrisme le transformerait de facto en prisme, décomposant la Lumière en la multitude de couleurs qui la compose et ne se comporterait plus comme le vecteur que la transmission fidèle requiert. Alors, peut-être pourrait-on ainsi résumer ce morceau d’architecture en une seule et simple phrase :

« L’Homme n’est Tout que s’il a conscience de n’être Rien ».

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